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Zone de Texte: Une année au collège d'Ahfir

Durant l'année scolaire 1965-66, j'étais en 2è année secondaire (l'actuelle 2è année collégiale). On devait être environ une trentaine d'élève dans la classe. Parmi nos professeurs, je retiens : Si Mohamadine pour l'arabe; Mme Pestre pour le français; Mr Rodriguez pour l'histoire et géographie; Mr El Ghoul Houcine pour les mathématiques et Mr Boigny pour les sciences naturelles.
Si Mohamadine était d'un caractère plutôt sec et sévère. Avec lui, aucune souplesse n'était permise. Même lorsqu'il était gai, il ne dépassait guère le stade du sourire superficiel. C'était un vrai croquemitaine. Parfois même, il faisait montre d'une extrême violence, si bien que nous n'éprouvions point de plaisir à le voir et encore moins à aimer ses leçons. J'ai d'ailleurs en tête plusieurs scènes où il a usé d'une méchanceté excessive. Il frappait aveuglément et d'une façon effrénée.
Quant à son niveau, je mets volontiers à son actif une écriture artistique de haute facture. Par ailleurs, en matière de grammaire, il en maîtrisait bien les règles fondamentales et se référait souvent au célèbre "millier de vers" d'Ibn Malik (Al Alfya). En ce qui concerne la langue, il était également d'un niveau respectable. Ceci viendrait essentiellement du fait qu'il apprenait le Coran par cœur. C'est ainsi qu'il faisait fréquemment référence à des versets coraniques pour expliquer le sens de certains mots. Il se plaisait d'ailleurs à répéter ce refrain : "celui qui ne possède pas de dictionnaire, en a un en le Saint Coran" !
Toutefois, je me rappelle qu'il avait un côté paresseux. Cela apparaissait à travers la correction des copies des rédactions. En effet, on voyait bien qu'il les traitait avec une légèreté patente qui faisait douter de son sérieux et de sa crédibilité. On n'était ainsi ni stimulé, ni motivé, ni inhibé ! Bref c'était l'indifférence la plus totale. Un jour, je lui ai demandé de m'expliquer pourquoi il avait barré en rouge certains passages de ma copie. N'ayant rien trouvé à me dire, il se contenta de prétendre curieusement que le texte en question était bien rédigé et très correct et c'était pour cette raison qu'il l'avait souligné !
Quant à si El Ghoul, il brillait par son tempérament calme et discret. Il se cantonnait à livrer sa leçon le plus normalement et imperceptiblement possible. On eut dit qu'il n'était pas bien dans sa peau, ou qu'il n'envisageait guère de faire carrière dans l'enseignement. Avec lui, l'année entière s'est déroulée sans heurts ni griefs particuliers. Un cours paisible et un comportement très digne. De fait, si Houcine jouissait d'une bonne renommée et faisait l'objet de respect et de considération.
Mme Pestre, qui nous enseignait le français, le faisait avec sérieux, minutie et compétence. C'était du moins l'impression que j'en avais à l'époque. Elle était par ailleurs très respectée par toute la classe. Je me souviens encore qu'elle me traitait avec un certain égard, vu que je suivais ses cours avec beaucoup d'intérêt et je m'appliquais avec soin et assiduité. Cette attention, elle la vouait d'ailleurs à tous les élèves qui se distinguaient dans sa matière, comme les frères Benmoussa Abdelmajid et Hassan. Nous devons à cette dame une contribution non négligeable à l'amélioration de notre niveau en français.
Notre professeur d'histoire-géo, Mr Rodriguez, avait une manière de s'exprimer qui ne laissait pas indifférent. Son ton était quelque peu plaintif et son rythme plutôt saccadé. De temps en temps, il nous posait des questions en disant : "Pour les malins" en appuyant sur le 'l' alors qu'elles étaient en général abordables pour presque toute la classe. A force de répéter cette phrase, il a fini par nous donner l'occasion de le tourner en dérision.
Enfin, Mr Boigny, qui nous dispensait les sciences naturelles, était d'une stature imposante. C'était un personnage appliqué, très sérieux et correct dans l'accomplissement de son travail. On trouvait du plaisir à suivre ses séances de travaux pratiques où il s'attachait à entreprendre quelques expériences chimiques avec les moyens du bord mis à sa disposition. Par ailleurs, il avait un style d'élocution très plaisant avec une manière particulière de prononcer le chiffre 20 qu'il rythmait et étirait. Parmi les souvenirs que je garde de lui, je me rappelle qu'un jour, il nous a demandé de lui citer des noms de femelles d'animaux. Et alors que les propositions fusaient de tous les coins de la classe (brebis, vache, chatte, lionne, …), voulant faire le savant, j'ai pensé à un nom peu connu. Ainsi je lui lançai le mot "hase". Mr Boigny, l'air surpris et n'ayant visiblement pas compris le sens de ce mot, s'exclama "une hase !" et passa à autre chose. J'ai alors deviné, sans un malin plaisir, qu'il ignorait qu'une hase était la femelle du lièvre. Depuis ce jour, j'ai toujours raconté cette histoire de ce mot que je n'ai jamais oublié, et j'espère que les lecteurs le retiendront également !
Côté administration, le directeur du collège était un certain "Ayadi" ou "Benayad". C'était un monsieur plutôt sage, digne, respectable et respecté. Il venait de succéder au légendaire si Bouazza dont tous les anciens se souviennent, tellement il avait marqué de son empreinte indélébile son passage à la tête de cet établissement. Son style de management était de type autoritaire pur et dur. 
Si Benayad a ainsi représenté une transition entre deux styles de gestion diamétralement opposés. Le premier, celui de si Bouazza était rigide, intransigeant et implacable. Il ne laissait place à aucune liberté et encore moins à une quelconque contestation. Avec lui, il n'y avait pas de possibilité de dialogue ou de compromis. Il était d'ailleurs sec et sévère avec tout le monde, y compris les professeurs. Quant aux élèves, sa simple présence les faisait frémir de peur et d'angoisse. Dans ce contexte, l'arrivée de si Benayad avait constitué un réel soulagement. Tout le monde a soufflé profondément. C'était le début d'une nouvelle ère où on a respiré un air de liberté, de souplesse et de tolérance, mais sans toutefois tomber dans l'indiscipline ou le laxisme. 
A noter que Mr Benayad n'est pas resté longtemps à Ahfir, puisqu'il a vite été relayé par feu si Belyazid. Pour ce dernier, je n'ai assisté qu'à sa première année, mais c'était suffisant pour constater que la tendance amorcée par son prédécesseur a été renforcée davantage. L'emprise de l'administration a été nettement atténuée, laissant la voie dégagée pour plus de fluidité et de compréhension dans les relations aussi bien avec les professeurs qu'avec les élèves. Pour le reste, je ne suis pas en mesure de dire si par la suite la période de feu Belyazid a ou non confirmé cette évolution, car j'avais alors entamé une nouvelle étape au lycée Abdelmoumen d'Oujda à partir de 1967.

                            Mémoire de Mr Bellahcene Amar     le  10*09*2009                       suite...

celui qui ne possède pas de dictionnaire, en a un en le Saint Coran" !